Brouillards

Texte écrit il y a environ un mois mais tout à fait d'actualité métérologiquement parlant.

L'automne est bien installé maintenant avec son lot de pluie, de brouillard et de grisaille. Le jardin jette ses derniers feux, la vigne vierge ensanglante les haies et seuls les cosmos, les œillets d'inde et les capucines fleurissent encore, comme si l'hiver ne devait jamais arriver. La terre se prépare au repos, le potager prend un aspect désolé, un bon bêchage lui redonnera une belle couleur et une virginité reposante. Ce matin, un rouge gorge m'a observé dans ce travail laborieux, je lui ai offert quelques larves et un beau mille-patte orange, il ne m'a pas remercié par son chant mais je ne lui en veux pas, la grisaille n’incitait pas à l'euphorie.

Dans ma tête trottait la chanson de Brassens « Pauvre Martin… ». Concentré sur ce travail physique et monotone, enveloppé dans un linceul de brume, le silence de la campagne m'a emporté dans un temps pas si lointain où mes ancêtres vivaient au rythme de la terre et des saisons (il existe encore aujourd'hui une majorité de paysans sur la planète). Penchés vers le sol, en tirant laborieusement leur subsistance de la terre ils ont façonné nos paysages, nos mémoires et nos imaginaires. Ce lien profond qui les unissait à la nature leur apportait sans doute une raison de vivre et de supporter une existence de travail et de pauvreté. La parcimonie des moyens incitait à l'économie et dissuadait tout gaspillage. Pas de tyrannie de l'horloge, pas de pointeuse, pas de cadences imposées, un seul impératif : vivre et récolter assez pour subvenir à ses besoins.

Une telle frugalité n'est plus de mise aujourd'hui pour nos sociétés « modernes », mais n'oublions pas que beaucoup encore sont penchés sur cette terre, courbés sous la pression des multinationales, la mondialisation et l'envahissement de leurs marchés par nos produits agricoles subventionnés. Beaucoup sont privés de la parcelle de terre qui pourrait les nourrir et les empêcher de grossir le flot des réfugiés.

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