La faucheuse

Mes intimes le savent bien, j'arrive à la cinquantaine. Jusque-là je m'étais senti immortel, bénéficiant d'une bonne santé, d'une vie saine et d'un bonheur que tout homme devrait pouvoir réaliser si le monde était bien fait. Je ne me suis jamais soucié avec sérieux de la faucheuse, mais c'est sûr, elle ne m’oubliera pas… L'heure est peut-être venue de faire le point et de négocier avec cette figure exigeante.

La vie est un combat contre la mort, un combat perdu d'avance diront les pessimistes. Le combat nécessite donc de se fixer une échéance, ma famille ne comptant aucun centenaire, je pense que le chiffre de 101 ans pour ma propre mort est un bon objectif. Ce chiffre pas tout à fait rond est assez vénérable, il est de plus premier. Voilà donc l'occasion d'être premier deux fois ce qui ne m'est pas arrivé très souvent.

Ce chiffre étant acté viennent ensuite les modalités de cette mort qui doit bien arriver. Ma vie n'ayant rien de spectaculaire, n'ayant ni le goût du danger, ni l'âme d'un martyre, étant de mauvaise humeur dès que j'ai un petit rhume, il faudrait donc que cette mort soit douce et sereine. J'opterais pour une mort dans mon sommeil ou peut être même pendant la sieste par un jour ensoleillé. Dans un jardin, je poursuivrais tranquillement le vol du bourdon ou celui de l'abeille. Je ne suis pas ambitieux et ma règle de vie qui est : « si ce je ne suis pas assez puissant pour faire le bien est de ne pas faire le mal intentionnellement » mérite sans doute une fin tranquille. (Quelle suffisance!)

Si l'avenir de mon âme ne m'appartient pas vraiment, mes restes corporels doivent bien être traités. A 101 ans la médecine n'aura plus besoin de mon corps ni de mes organes sans doute un peu fatigués, si néanmoins ma dépouille peut lui servir à élucider ma propre longévité, je l'offre avec joie comme j'offre aujourd'hui mon sang. Je n'aurai pas droit cette fois au casse croûte mais tant pis cela vaudra pour toutes les autres fois. En 2064, si l'humanité est en manque de protéine, elle pourra toujours utiliser les miennes (un peu rances) pour faire de petites tablettes à consommer au petit déjeuner. A moins que nos progrès écologiques ne me destine à un compostage salvateur. J'ai une seule exigence : point de tombe, point de marbre, les cimetières sont emplis de monde (et pas toujours de beau monde), étant d'une nature plutôt solitaire, une dispersion dans un coin de mon jardin, dans une forêt ou dans le bleu de l'océan, en nourriture au plancton me paraît une excellente solution.

Mes descendants et mes connaissances indulgentes qui auront à me supporter jusqu'à un âge aussi vénérable, s'ils veulent me rendre hommage et penser encore à moi, accrocheront dans leur salon une de mes œuvres, si elles ont, elles aussi, résisté au temps et aux changements de mode. Voilà bien une vanité d'artiste de penser que son œuvre lui offrira une petite part d'immortalité, la vanité et l'orgueil ne me vaudront sûrement pas le paradis.

Car de mon âme je ne sais rien. Sera t-elle réincarnée sur Terre ou ailleurs pour vivre de nouvelles aventures palpitantes (suite au prochain épisode) ? Ira t-elle, guidée par un ange gardien vers la lumière d'une étoile brillante et chaude débordante d'amour ? Sera t-elle tentée de suivre les fausses pistes semées par le Malin pour finir dévorée par quelques démons super novæ ou de dangereux quasars ? Pire, sera t-elle happée dans un trou noir sans espoir de retour ? Plus probablement finira t-elle comme la courbe de mon encéphalogramme, comme une fonction monotone, continue, ayant pour limite le zéro et pas l'infini.

J'aurais pu discuter de cette fin avec un de mes proches qui fait des études de théologie, mais je dois dire que je ne suis plus à son niveau. Sa pensée désormais guidée par une envie de sainteté très forte ne lui permet plus de me fréquenter, moi pauvre mécréant en proie au doute et au cynisme. Ma maison lui est désormais odieuse, il ne peut y prier, mon escalier est envahi par les démons, ma cave par les morts vivants, mon hall d'entrée étant lui un chœur d'âmes damnées.

Il est certain que ces vieilles battisses n'ont pas la virginité d'un bel appartement moderne, il est vrai que mon mauvais esprit règne en maître dans ma demeure, partagé avec celui non moins malfaisant de mon épouse.

Je lui aurai bien proposé mon jardin, construit un oratoire au milieu des cosmos, des capucines ou des blanches marguerites pour qu'il puisse rester en contact avec le ciel. Oui je l'aurai fait avec joie s'il avait renoncé à exiger dans ce sanctuaire la présence d'un instrument de torture. Car l'idée d'un Christ roi, humain divinisé après des siècles d'une présence écrasante d'un Dieu lointain et vengeur est certes un progrès philosophique que l'on ne saurait ignorer. Mais l'ambition de ce brave homme à vouloir racheter tous les péchés des hommes est quand même un tantinet exorbitante. L'adorer qui plus est, sur son instrument de mort relève là au mieux du mauvais goût, au pire d'un certain esprit pervers.

Si mon but était de devenir un saint alors je ferais de mon jardin un sanctuaire, un lieu où la fourmi et le termite ne sont plus en guerre, un lieu où la chenille vorace se transforme en paix, en papillon. Un lieu où le moustique piqueur ne se fait pas désintégrer par un geste rageur, ou la limace ne meurt pas écrasée par une botte vengeresse. Un lieu où notre regard va loin au delà des étoiles sans avoir besoin d'intercesseur. Mais la sainteté appartient aux saints, je suis trop attaché à ceux de ma femme pour rêver d'un tel destin…

Pour finir quelques petites ritournelles pour penser la mort avec douceur.

L'ami Georges pour commencer.

Polmareff qui a enchanté mon enfance de sa voix cristaline.

Et puis pour finir une chanson que j'ai déjà proposée mais qui m'émeut vraiment.

En chaine

Cette quinzaine, le casse tête revient avec une pensée qui nous « en chaîne ». Nous pourrions en profiter pour parler d'amour, celui qui nous enchaîne à notre partenaire, bizarrement cet amour là déchaîne aussi nos sentiments et notre libido. Un fou déchaîné se retrouve à contrario enchaîné dans sa camisole de force. Il y a donc une marge très mince entre la chaîne qui nous attache et celle qui nous libère de nos inhibitions. L'ami Georges d'habitude si courtois, bien que grivois et parfois un peu provocateur dans son utilisation d'un vocabulaire pouvant heurter l'oreille des jeunes filles de bonnes familles. Vantant l'amour et le pacifisme, nous promet « des poings sur la gueule » dans sa chanson.

Quelle réaction en chaîne a bien pu provoquer cette ire si peu habituelle ? L'amour et les disputes d'amoureux sont propices à de telles escalades verbales, le « je t'aime » d'aujourd'hui se transforme en « je te déteste …rendez vous chez mon avocat » pour une affaire de vinaigrette mal tournée.

Mais laissons là l'amour et parlons des vrais chaînes, celles des usines qui transforment l'humain en robot, qui tendent à rationaliser tous les gestes, celles qui augmentent les cadences et détruisent si bien le travailleur qu'à quarante ans ou à cinquante il devient inutilisable et jetable comme un kleenex. Cette chaîne là nous l'avons créée rationnellement pour satisfaire notre désir effréné de consommation, pour pouvoir produire plus et moins cher, et bien sûr accessoirement, augmenter les bénéfices d'une minorité. Cette chaîne là nous enchaîne à un modèle de développement où l'humain est, d'un coté un consommateur, de l'autre une charge. Une figure réduite à sa plus simple expression économique, une figure que nos patrons du CAC40 et autres esprits phosphorants du MEDEF aimeraient bien remplacer d'un coté par des robots, de l'autre par des corps décérébrés à gaver de produits à forte valeur ajoutée.

Et bien sûr pour arriver à ce résultat rien de mieux que les chaînes de télévision ou de radio…

Mais bon à quoi bon répéter tout ça, il faudrait une sacrée réaction en chaîne citoyenne pour qu'un virage vers un modèle économique plus respectueux de l'humain soit pris. Rions en plutôt avec Charlie Chaplin dans les temps modernes.

Bon pour ne pas gâcher le moral de mes lecteurs soumis à rude épreuve par nos médias anxiogènes et le changement d'heure, je n'évoquerai pas la réaction en chaîne qui se trame au cœur des centrales nucléaires ou au cœur des bombes du même nom. Celle là est tellement démesurée par rapport à notre potentiel humain qu'on se demande quel est le mauvais farceur qui en a soufflé la formule aux scientifiques. Si j'étais chrétien, j'y verrais sans hésitation l’œuvre du malin mais comme je suis agnostique, je n'y vois que le manque de discernement de la race humaine.

En attendant, je vous propose pour finir un petit clin d’œil personnel à une chaîne qui est bien utile, la chaîne de vélo. Voilà donc la photo de mon nouveau vélo, dont je suis très content. Pédalons, pédalons, c'est bon pour la santé et cela ne nous enchaîne pas à notre écran. (En espérant que les travailleurs qui l'ont fabriqué n'ont pas trop souffert sur leur chaîne de montage).

Époustouflant

La communauté du casse tête semblait morte, disparue à la chaleur de l'été et avec les changements d'Over-Blog, mais la voilà tel le phénix qui renaît de ses cendres dispersées par les vents d'automne.

J'ai été tellement bouleversé par cette nouvelle que je suis parti sur un mauvais mot « époustouflant » au lieu de « bouleversement », je ne sais pas trop d'où il est sorti celui-ci, il semble que mon cerveau m’ait fait défaut … Pas facile de rattraper le coup… et comme je suis d'un naturel un peu paresseux, voir un peu fantasque, je vais juste changer « époustouflant » par « bouleversant » et réécrire quelques phrases ,on va bien voir si ça colle !

Il nous faut donc, cette quinzaine, trouver quelque chose de bouleversant à dire ou à montrer.

J'aime beaucoup ce mot, il roule dans la bouche et dévale allègrement la pente de nos lèvres mais c'est un adjectif que je n'utilise quand même pas très souvent. , je suis rarement bouleversé, d'un naturel froid et stoïque , je reste droit dans mes bottes, insensible aux bouleversement du monde.

Ces derniers temps, l'action du gouvernement et son programme de gauche ne m'ont pas particulièrement bouleversé. La mémoire et l'intelligence du peuple de France qui, en réaction à la médiocrité des réformes engagées par notre tout bon excellent président s’apprête à voter front national ou qui plébiscite à 70 % monsieur Valls, agitateur de haine raciale et noyeur de poisson, désignant un bouc émissaire ne m'ont pas non plus vraiment bouleversant non plus.

On reste là dans la très classique médiocrité du français moyen et du citoyen de base qui rongé par le chômage, les crédits à la consommation, la lobotomie télévisuelle et les gros lieux communs va demain offrir le pouvoir à une bande d'incapables et de fachos qui n'ont absolument aucun programme économique et aucune envie de changer le système si ce n'est pour s'enrichir et vivre au frais de la princesse.

Bon voilà, c'est dit…

Les âmes sensibles qui seraient bouleversées par cette déclaration peuvent relire leurs livres d'histoire et se rappeler que la dernière prise de pouvoir des fascistes en Europe a abouti à l'holocauste et à une guerre mondiale, la photo ci-dessous devrait quand même les bouleverser. Les juifs n'ont pas été les seuls à subir le laminage nazi, les roms en faisaient partie.

Époustouflant

Mais il est vrai que rien de mieux qu'une bonne guerre pour remettre à flot l'économie, retrouver un taux de croissance à deux chiffres et résorber le chômage. Mon caractère nihiliste s’enthousiasme presque à cette idée fantastique, faisons tout péter et on verra bien ce qui en sortira dans quelques millénaires. Comme dirait l'ami Thiefaine « Je sais que mes enfants s’appelleront ver de terre… »

Je ne suis pas non plus bouleversé par la constance de nos hommes (et femmes) politiques qui n'ont de salut que dans la croissance, 40 ans que j'entends le même discours : « faisons de la croissance, réduisons le coût du travail, consommons , consommons… », injonctions qui n'ont absolument pas résolu le problème du chômage, de la répartition des richesses et de notre soit disant compétitivité. En attendant, les riches sont de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvre, nous polluons au-delà du raisonnable et sommes incapable d'envisager un modèle de développement respectueux de l'humain et de la nature. Mais bien entendu un bouleversement du système n'est sans doute pas souhaitable car s'il va dans le sens de la majorité je ne suis pas sûr d'y trouver mon compte. « Quand on voit ce qu'on voit, qu'on entend ce qu'on entend, ça m'étonne pas qu'on pense ce que l'on pense »

Mais ne gâchons pas la fête, les choses qui fâchent étant dites, bouleversons-nous d'une manière positive. J'ai regardé (pour la énième fois) « Le seigneur des anneaux » de Peter Jackson et quoi qu'on puisse en dire voilà un film qui est bouleversant de virtuosité.. Cela m'a donné envie de relire le livre pour la (2 x énième fois) ; seul livre dont j'ai lu les trois tomes en un seul week-end sans presque dormir, manger et respirer tant l'histoire m'a tenu en haleine… La dimension épique du récit et le temps imaginaire lointain tranche avec notre civilisation où tout doit être normé, référencé et étiqueté. Bien sur l'histoire est très manichéenne et l'univers fantastique de Tolkein renvoie à des figures héroïques assez classiques mais ce livre a vraiment bouleversé ma vision de la littérature fantastique.

J'ai trouvé des images bouleversantes de beauté de la planète Mars dans un Science et vie spécial, je vous invite donc à l'acheter car je ne retrouve pas ces images sur le net. Je vous renvoie au site de l'ESO où vous trouverez des images magnifiques de notre univers. Car voilà bien un domaine où l'on peut être bouleversé par le changement de perspective qu'il nous offre. La prouesse technique des astrophysiciens qui ont réussi à placer des télescopes dans l'espace nous offre désormais une vision inégalée de notre univers. Quasiment aveugle il y quelques siècles, persuadé d'être le centre du monde, notre place dans l'univers s'est complètement déplacée, nous sommes désormais perdu au sein d'une galaxie comptant des millions de mondes, au sein d'un univers qui compte des millions de galaxies et peut être dans un univers bulle au sein de millions d'autres univers bulles. De quoi rester modeste quant à notre importance au sein de la création…

http://www.eso.org/public/videos/eso0949f/

Pour finir un petit morceau de musique qui me bouleverse par son énergie

Et bien voilà, le tour est joué, en italique le texte que j'ai changé, le reste ne collait pas si mal que ça. Doit-on en conclure que la médiocrité de ma prose et le peu de profondeur de ma pensée ne nécessite pas une détermination très précise du vocabulaire employé. Doit-on en conclure que tout vaut tout et que l'on peut remplacer chaque mot par un autre ? Le flot continu d'informations qui nous submerge et s'efface aussitôt pourrait, si l'on y prête garde, aboutir à ce résultat, il nous appartient donc de nous interroger sur les discours et ses valeurs sous-jacentes. Nos paroles et nos actes au quotidien ne sont pas anodins et il y a des valeurs que l'on ne devrait pas oublier même en temps de crise.

Cornouaille (suite et fin)

Revenons donc en Cornouaille pour la fin de la visite. Un petit détour par Concarneau et sa ville close, dépaysement total pour des terriens comme nous peu habitués aux ambiances de port.

Cornouaille (suite et fin)

Nous allons maintenant vers l'intérieur des terres à Locronan, village médiéval très bien conservé. Le lieu est touristique mais il y règne une bonne ambiance, nous tombons par hasard sur la grande Troménie, procession chrétienne qui remonterait aux cultes celtiques. Nous donnons quelques pièces pour que les saints nous protègent.

Kriss à beaucoup à se reprocher elle laisse un chèque énorme.

Cornouaille (suite et fin)

Le village est un lieu d'artisanat et d'art, rencontre avec deux peintres, le premier Michel Archant ancien imprimeur adepte du collage et Edouard Cribier, échange aussi avec Hervé Lorant sculpteur qui perpétue une tradition avec ses cuillères de mariage en bois.

Autrefois, à l'occasion des mariages, les hommes venaient avec une cuillère en bois qu'ils avaient souvent fait eux même, c'était une manière de démontrer leur savoir faire et, qui sait, d’impressionner leur future épouse.

Cornouaille (suite et fin)Cornouaille (suite et fin)Cornouaille (suite et fin)

Je vais terminer avec la Forêt Fouesnant et son adorable église.

Cornouaille (suite et fin)

La Cornouaille ne se limite pas à cela bien entendu, il reste beaucoup de choses à explorer mais le peu que j'en ai vu m'a complètement charmé, les forêts sont superbes (beaucoup de châtaigniers), l'agriculture a épargné pas mal de bocages, la côte est splendide et les plages nombreuses. J'aimerais beaucoup voir cette région à l'automne et en hiver, je pense que mes yeux de peintre devraient y trouver leur compte.

Je vais donc dire à l'année prochaine.