Dessins

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L’hiver roule ces jours gris, les brouillards effilochent les arbres nus. J’ai fermé les portes de mon atelier glacial. Je continue mon travail d’amateur, une exploration de la technique avec les plus simples outils, crayons HB, feuilles et gommes. Pas d’esbroufe, pas de triche, ni couleurs, ni matière juste une infime épaisseur de graphite.

Le juste jugement d’un exercice quotidien où jamais rien n’est acquis.

Gargouille

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Seule entre ciel et terre

J’écoute les vents de la mer

Seule entourée de mystères

Je rêve de chimères.

 

Passants sans passé

Vous êtes surveillés

Amants enlacés

Vous êtes épiés

 

J’envie vos pas cadencés.

J’envie vos âmes éthérées

J’envie vos paroles prononcées

J’envie vos cœurs palpités

 

Je suis solitaire

Les yeux dans la lumière

Je suis débonnaire

Les yeux tournés vers l’enfer

 

 

 

Oeuvre réalisée à l’atelier d’isabelle


Jachère

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J’ai laissé mon esprit en jachère.

Vendu mes idées aux enchères.

Trié des pensées folles.

Enfermées dans des fioles.

Semé des fleurs sauvages.

Dont personne n’a l’usage.

Jeté un regard vers les étoiles.

Des couleurs sur une toile.

Promenade dans le jardin d’Eden

 

J’ai un peu de nostalgie quand je revois cette photo de nous quatre. Nous étions encore si bien à cette époque là, je me demande comment nous en sommes arrivés là.

Il y a eu tout d’abord cette histoire de pêcher, de ce bel arbre planté là sous nos yeux et que nous n’avions pas le droit de toucher. Ève était si naïve à l’époque et ce maudit serpent si persuasif. Bon c’est vrai le patron nous avait prévenu mais on le voyait si peu, toujours occupé à droite et à gauche à peaufiner sa création, alors la pauvre a craqué, elle a mangé la pomme et m’en a fait goûter et le patron s’est fâché pour de bon. Une pomme pour un péché allez y comprendre quelque chose.

Je dois dire qu’au début, le goût des pommes nous plaisait bien et on en a mangé pas mal, c’était agréable et on voyait pas le mal. Mais bon un jour Ève a commencé à avoir la nausée et puis son ventre s’est arrondi et on ne savait pas quoi faire, cette maladie on ne la connaissait pas à l’époque. Le patron n’a rien dit, il a juste grommelé une fois de plus avant de retourner à la construction de sa voie lactée.

Quand Caïn est né, ça a été terrible, Ève a crié sans relâche pendant des heures «faites le sortir…» «faites le sortir…»… Je ne savais pas trop quoi faire et je suis tombé dans les pommes à la vue de tout ce sang. Quand je me suis réveillé il était là, il criait à plein poumons, Ève l’a pris dans ces bras et le petit démon a tout de suite sauté sur son sein. J’ai senti une pointe de jalousie mais j’étais tellement surpris et ému que j’ai laissé faire, ça paraissait naturel.

Caïn était un enfant facile, il a fait ces nuits très rapidement et il gazouillait toujours le matin quand on se réveillait tous les trois. Ève a oublié très rapidement ses souffrances et semblait ravie d’avoir enfanté notre beau bébé. Le patron par contre est devenu carrément irascible, il nous a menacé d’expulsion, il ne supportait pas les cris de notre enfant, il me reprochait de ne pas faire l’entretien du jardin comme il faut et plein d’autres choses. C’est à l’époque qu’il a commencé à construire des trucs bizarres, un trou noir au centre de la galaxie, des astres pas très catholiques comme les quasars. Enfin moi je crois qu’il était un peu jaloux parce qu’on avait fait ça sans rien lui demander et qu’au final le résultat était plutôt pas mal.

Bon, Caïn a grandi et Ève et moi on s’est remis à manger les fruits défendus parce qu’on y prenait beaucoup de plaisir et puis parce que ça nous avait plutôt bien réussi. Et puis au bout d’un moment, rebelote , les nausées, le ventre qui s’arrondit. Mais bon cette fois on savait, on ne s’est pas inquiété. Par contre Caïn il n’était pas rassuré, sa maman changeait vraiment beaucoup et puis elle s’occupait un peu moins de lui alors il est devenu un peu sombre. A l’époque j’en ai profité pour l’initier au jardinage, il était plutôt doué pour ça et rapidement il a fait pousser un tas de graines que je laissais végéter (j’ai toujours préféré les fleurs aux autres plantes et le patron me le reprochait souvent).

Caïn était très fier de son potager et il l’a fait voir au patron, mais le vieux est devenu carrément méchant, il s’est moqué de Caïn et il a même lancé un orage sur les pauvres plantes qui ont été toutes abîmées. J’ai eu beaucoup de mal à le consoler et après ça il n’a plus jamais été pareil.

Abel est né, comme pour le premier je n’ai pas été d’une grande utilité et je suis a nouveau tombé dans les pommes dès que j’ai vu le sang. Caïn lui était resté à l’écart dans son potager. Quand il est venu voir Abel il était de mauvaise humeur et déjà jaloux de son frère, Ève a eu beau le rassurer, lui dire qu’elle l’aimait toujours il en a voulu à Abel de lui voler sa maman.

Et le vieux il a changé du tout au tout avec Abel, il est venu voir le bébé, il l’a pris sur ces genoux, lui a fait des risettes, lui a offert un petit agneau en pluche, gaga le vieux…

La photo a été prise quelques années plus tard, c’est le vieux qui l’a prise un dimanche ou il se reposait, il venait nous voir fréquemment à cette époque mais il ne s’occupait jamais que d’Abel, alors bon Caïn en avait du ressentiment, il est tout crispé sur la photo, et Ève elle parait un peu triste parce qu’elle se faisait du souci pour lui, elle ne comprenait pas, comme moi, pourquoi le vieux faisait du favoritisme.

Bon vous connaissez la suite, tout le monde a jeté l’anathème sur Caïn mais moi je sais qui est le responsable, si j’avais su ce qu’il en serait ainsi j’aurais démissionné plus tôt et nous serions partis chercher un patron un peu plus sympa dans une autre galaxie.

Pauvre Caïn et pauvre Abel….

Tout ce qu'il faut pour que le diable y soit

Tout ce qu’il faut pour que le diable y soit.

J’ai mis dans ce tableau tous les ingrédients pour que le diable s’y cache. Deux pincées de corne de bouc, le sang frais pompé d’un cœur obscur, un peu d’or transmuté par un alchimiste fou, de l’argent gagné malhonnêtement.

 

Le vert des faux espoirs pour que l’âme s’y perde, le jaune du soufre pour qu’elle y pourrisse et le blanc de l’innocence pour qu’elle se croit en paix. Du venin de serpent et 666 traits de lumière pour tromper mon monde.

J’ai mélangé et prononcé les formules incantatoires nécessaires, j’étais prêt à vendre mon âme pour la gloire, la richesse et la postérité. Mais j’ai fait une erreur, cela n’a pas fonctionné, le maître ne m’est pas apparu.

Moi son stupide disciple je continue à errer entre ciel et terre, entre démons et sanctuaires. Moi son stupide disciple je me consacre à son œuvre mais je n’ai pas la profondeur de son mystère.

Chronique jurasienne

Premier instant, un café, je prends le train des hirondelles. C’est un train minuscule qui serpente dans de nombreux tunnels, sur des viaducs et qui traverse des paysages magiques, les voyageurs se laissent bercer par cette échappée et ce petit parfum d’aventure, le voyage peut commencer.

 

Je quitte cet oiseau véloce pour la lenteur de la marche. Après une ville encaissée au fond d’une vallée grise et triste, je grimpe enfin dans la montagne, j’aperçois mon premier chalet authentique, entends mes premières clochettes tinter, je sens mes premières odeurs d’humus et de champignons.

Me voilà seul au monde, je traverse d’immenses forêts et des alpages boueux sans rencontrer âme qui vive. Même les animaux, semblent avoir déserté les lieux, les oiseaux se taisent et l’impression d’une solitude absolue est un peu oppressante. Pas d’horizon, juste des arbres, le poids du sac, les pierres du chemin, le pied qui accroche, le souffle court et l’impression que la marche est à réapprendre.



Alpages

 

 

Plus loin l’horizon s’ouvre, un village au milieu des verts pâturages arbore fièrement son clocher et ses toits de zinc qui gémissent sous la chaleur du soleil. Après une longue descente et une rude journée, voilà la chaleur du gîte, le partage d’un repas, d’une conversation. Un lit et un toit pour se réconforter.


la chapelle du bois

 

Le lendemain c’est un nouveau départ, les courbatures sont vite oubliées et la beauté de la nature fait fondre le poids du sac et s’adoucir les pentes un peu raides. La chance parfois me sourit, je contemple pendant quelques minutes un magnifique chevreuil dans la brume du petit matin, plus loin dans la chaleur de l’après midi, un raccourci me mène à un jeune renard qui trop occupé à sa quête de mulots ne m’entend pas et ne me sent pas arriver. J’observe son jeu et je m’approche doucement mais le voilà s’enfuyant vers une sapinière la queue entre les jambes sans un regard vers l’intrus que je suis.

 

Les pas s’ajoutent aux pas pour former une longue litanie qui se renouvelle de jour en jour. Le monde des habitudes se dissout peu à peu, la simplicité du geste, la lenteur du cheminement ouvre de nouvelles perspectives. Le monde est vaste quand il est parcouru à pied. Je me prête à songer à une autre vie loin des contraintes sociales, une vie simple de pèlerin, une vie faite de liberté absolue et de solitude.


 

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Mais l’heure du retour a sonné, les miens m’attendent. La montagne s’éloigne et des collines de far-ouest déroulent l’horizon sous un ciel immense. Une dernière étape dans un charmant village, une rivière naissante que l’on suit. Retour vers ceux que j’aime.

 

source de l ain