Seule au petit matin
Devant un étrange miroir
Donnant un destin
Aux personnages du manoir
Seule au petit matin
Devant un étrange miroir
Donnant un destin
Aux personnages du manoir
Voilà donc des nouvelles de ma deuxième œuvre peinte de l’année 2012, j’étais parti sur l’idée de faire une œuvre entièrement abstraite sans nul dessin, sans nul motif, ce que je ne suis toujours pas parvenu à faire.
Contrairement à ce que l’on peut penser, créer une œuvre abstraite ne coule pas de source (enfin pour moi) car des motifs apparaissent sans cesse dans mon esprit, des sphères en particulier et puis des lignes qui s’imposent. Bon c’est comme ça, je devrais suivre une psychothérapie et après quinze ans d’analyse j’apprendrais enfin pourquoi la sphère m’obnubile, cela faisant j’apprendrais à me satisfaire de mes sphères et à construire un superbe discours artistique autour du sujet et je serais enfin un vrai artiste. En attendant je continue de travailler en amateur et mes sphères m’accompagnent et m’interrogent.
Mais cette fois j’avais vraiment décidé d’être entièrement abstrait, ma première tentative a été un échec et j’ai fini par barbouiller et détruire ma peinture à coups de couteau. Ma deuxième tentative a bien commencé, j’avais devant moi un bouillonnement de couleur qui me faisait songer à un buisson ardent et puis bizarrement le buisson est devenu un œuf qui était ridicule au milieu de cette toile (je ne travaille pas sur toile mais bon appelons cela une toile). Et puis soudain c’est venu, l’œuf c’est bien entendu le symbole de la naissance et l’œuf c’est surtout la base du dessin d’une tête.
Une heure après j’avais un visage, une créature sortie du néant, elle me ressemble un peu d’ailleurs. Alors disons que j’ai un premier autoportrait qui techniquement est proche de ce que je cherchais à faire depuis longtemps.
J’ai beaucoup travaillé le dessin de visage ces derniers temps mais je ne me sentais pas prêt à attaquer un portrait à l’acrylique, mes précédentes tentatives ne me satisfaisaient pas, il leur manquait une certaine consistance, une certaine force et pour tout dire il leur manquait une originalité, un coup de main qui marquerait ma personnalité.
Voilà donc cet autoportrait, il semble que je ne suis pas encore près pour l’abstraction pure, trop matérialiste sûrement et pas assez spirituelle, mais je ne désespère pas…
J’ai un peu de nostalgie quand je revois cette photo de nous quatre. Nous étions encore si bien à cette époque là, je me demande comment nous en sommes arrivés là.
Il y a eu tout d’abord cette histoire de pêcher, de ce bel arbre planté là sous nos yeux et que nous n’avions pas le droit de toucher. Ève était si naïve à l’époque et ce maudit serpent si persuasif. Bon c’est vrai le patron nous avait prévenu mais on le voyait si peu, toujours occupé à droite et à gauche à peaufiner sa création, alors la pauvre a craqué, elle a mangé la pomme et m’en a fait goûter et le patron s’est fâché pour de bon. Une pomme pour un péché allez y comprendre quelque chose.
Je dois dire qu’au début, le goût des pommes nous plaisait bien et on en a mangé pas mal, c’était agréable et on voyait pas le mal. Mais bon un jour Ève a commencé à avoir la nausée et puis son ventre s’est arrondi et on ne savait pas quoi faire, cette maladie on ne la connaissait pas à l’époque. Le patron n’a rien dit, il a juste grommelé une fois de plus avant de retourner à la construction de sa voie lactée.
Quand Caïn est né, ça a été terrible, Ève a crié sans relâche pendant des heures «faites le sortir…» «faites le sortir…»… Je ne savais pas trop quoi faire et je suis tombé dans les pommes à la vue de tout ce sang. Quand je me suis réveillé il était là, il criait à plein poumons, Ève l’a pris dans ces bras et le petit démon a tout de suite sauté sur son sein. J’ai senti une pointe de jalousie mais j’étais tellement surpris et ému que j’ai laissé faire, ça paraissait naturel.
Caïn était un enfant facile, il a fait ces nuits très rapidement et il gazouillait toujours le matin quand on se réveillait tous les trois. Ève a oublié très rapidement ses souffrances et semblait ravie d’avoir enfanté notre beau bébé. Le patron par contre est devenu carrément irascible, il nous a menacé d’expulsion, il ne supportait pas les cris de notre enfant, il me reprochait de ne pas faire l’entretien du jardin comme il faut et plein d’autres choses. C’est à l’époque qu’il a commencé à construire des trucs bizarres, un trou noir au centre de la galaxie, des astres pas très catholiques comme les quasars. Enfin moi je crois qu’il était un peu jaloux parce qu’on avait fait ça sans rien lui demander et qu’au final le résultat était plutôt pas mal.
Bon, Caïn a grandi et Ève et moi on s’est remis à manger les fruits défendus parce qu’on y prenait beaucoup de plaisir et puis parce que ça nous avait plutôt bien réussi. Et puis au bout d’un moment, rebelote , les nausées, le ventre qui s’arrondit. Mais bon cette fois on savait, on ne s’est pas inquiété. Par contre Caïn il n’était pas rassuré, sa maman changeait vraiment beaucoup et puis elle s’occupait un peu moins de lui alors il est devenu un peu sombre. A l’époque j’en ai profité pour l’initier au jardinage, il était plutôt doué pour ça et rapidement il a fait pousser un tas de graines que je laissais végéter (j’ai toujours préféré les fleurs aux autres plantes et le patron me le reprochait souvent).
Caïn était très fier de son potager et il l’a fait voir au patron, mais le vieux est devenu carrément méchant, il s’est moqué de Caïn et il a même lancé un orage sur les pauvres plantes qui ont été toutes abîmées. J’ai eu beaucoup de mal à le consoler et après ça il n’a plus jamais été pareil.
Abel est né, comme pour le premier je n’ai pas été d’une grande utilité et je suis a nouveau tombé dans les pommes dès que j’ai vu le sang. Caïn lui était resté à l’écart dans son potager. Quand il est venu voir Abel il était de mauvaise humeur et déjà jaloux de son frère, Ève a eu beau le rassurer, lui dire qu’elle l’aimait toujours il en a voulu à Abel de lui voler sa maman.
Et le vieux il a changé du tout au tout avec Abel, il est venu voir le bébé, il l’a pris sur ces genoux, lui a fait des risettes, lui a offert un petit agneau en pluche, gaga le vieux…
La photo a été prise quelques années plus tard, c’est le vieux qui l’a prise un dimanche ou il se reposait, il venait nous voir fréquemment à cette époque mais il ne s’occupait jamais que d’Abel, alors bon Caïn en avait du ressentiment, il est tout crispé sur la photo, et Ève elle parait un peu triste parce qu’elle se faisait du souci pour lui, elle ne comprenait pas, comme moi, pourquoi le vieux faisait du favoritisme.
Bon vous connaissez la suite, tout le monde a jeté l’anathème sur Caïn mais moi je sais qui est le responsable, si j’avais su ce qu’il en serait ainsi j’aurais démissionné plus tôt et nous serions partis chercher un patron un peu plus sympa dans une autre galaxie.
Pauvre Caïn et pauvre Abel….
J’ai mis dans ce tableau tous les ingrédients pour que le diable s’y cache. Deux pincées de corne de bouc, le sang frais pompé d’un cœur obscur, un peu d’or transmuté par un alchimiste fou, de l’argent gagné malhonnêtement.
Le vert des faux espoirs pour que l’âme s’y perde, le jaune du soufre pour qu’elle y pourrisse et le blanc de l’innocence pour qu’elle se croit en paix. Du venin de serpent et 666 traits de lumière pour tromper mon monde.
J’ai mélangé et prononcé les formules incantatoires nécessaires, j’étais prêt à vendre mon âme pour la gloire, la richesse et la postérité. Mais j’ai fait une erreur, cela n’a pas fonctionné, le maître ne m’est pas apparu.
Moi son stupide disciple je continue à errer entre ciel et terre, entre démons et sanctuaires. Moi son stupide disciple je me consacre à son œuvre mais je n’ai pas la profondeur de son mystère.
L’homme progresse vite, ses connaissances semblent sans limites. Il a conquis la terre entière, bientôt les mers, bientôt l’espace. Les choses impossibles d’hier sont désormais banalités, parler à distance, voir au loin, assister à la naissance des étoiles, plonger au cœur de la matière ou au cœur du vivant.
Où s’arrêtera t il ? Il ne semble pas désormais de tâches qu’il ne puisse réaliser, pas de buts qu’il ne puisse atteindre, la mort elle même pourrait être vaincue.
Et pourtant, et pourtant …
L’homme a t il fait le moindre pas en avant ? Et il aujourd’hui plus sage qu’hier ? Sait il désormais plus qu’hier apprécier sa vie ? Et il désormais moins égoïste et plus empathique ? A t il su mettre en place un système social qui assure à chacun une place équitable ? A t il abandonné ses préjugés de races ou de religion ?
En quoi sommes nous plus évolués que les indiens d’Amazonie ou des grandes plaines de l’ouest massacrés avec ardeur ? L’ humble communauté paysanne des premiers ages était elle moins solidaire que nos sociétés modernes ?
L’homme avance vite mais son progrès n’est qu’une lueur de chandelle au sein de son obscurité intérieure. Ses victoires ne laissent derrière lui que des champs de ruines qui hypothèquent son avenir.
Demain naîtra un homme nouveau, il ne cherchera plus à dominer mais à aider, il ne cherchera plus à savoir mais à comprendre, il ne cherchera plus à posséder mais à partager.
Ses multiples organes seront enfin réunis, son cœur et son cerveau marcheront à nouveau ensemble, ses jambes et ses bras seront à nouveau synchronisés. Il parcourra le monde sans s’arrêter, sans rien posséder. Éternel marcheur ses pieds seront sur terre et sa tête tout contre les étoiles.
Je suis la réincarnation d’un national socialiste; oui c’est ce que ma femme prétend mais je n’y prête pas attention car on est pas responsable de ses vies antérieures, elle ne m’en tient pas rigueur non plus.
Je suis français né de parents français de grands parents français et je peux remonter comme ça assez longtemps, je suis presque blond et j’ai les yeux bleus. J’adore la baguette du matin , le saucisson et le pinard quand il est bon. Bref je suis un bon français, je paie mes impôts, je travaille, je vais voter. Je suis gentil avec ma voisine de 80 ans qui n’aime pas les noirs, je ne m’énerve pas quand ma gentille collègue traite les arabes de gris.
Mais çà me chagrine tout ça, j’ai voyagé quand j’étais plus jeune et moins pauvre en argent. Je suis allez au Maroc, en Inde, en Amérique du sud, partout j’ai rencontré des gens charmants, des pas gentils et des vraiment cons. J’ai vécu à Barbes Paris et j’étais heureux de manger un merguez frite ou un couscous chez l’arabe du coin, de croiser un africain en boubou, j’étais heureux d’aller au magasin chinois et de manger un tandoori chez le Sri-Lankai d’en face. Bref j’étais heureux de côtoyer tous ces gens qui faisaient la richesse de mon pays et peu importe leur couleur. J’étais presque content d’être français.
Quand j’étais petit dans mon école on m’avait appris que la France est le pays des droits de l’homme, que notre devise c’est la liberté, l’égalité et bien entendu la fraternité et moi je pensais bêtement que la fraternité c’était bon pour tous les humains, les blancs, les noirs, les bleus et les verts.
Mais voilà depuis quelques temps je pense que je me suis trompé, mon président de la république me dit que les étrangers se sont pas des gentils, qu’ils viennent manger le pain des bons français. Ses ministres sont fiers que nos frontières soient fermées à cette foule de va nu pied. Ils sont fiers de renvoyer chez eux tous ces miséreux qui non content de manger notre pain ne s’habillent pas comme nous, ont un dieu qui n’a pas le même nom et ne peuvent même pas voter.
Ils sont fiers d’afficher des statistiques qui prouvent que la police fait bien son travail, fiers de traquer des enfants dans les écoles, fiers de n’avoir pas une once de fraternité, de solidarité et pour tout dire d’humanité. Mais attention ne les comparez pas aux collaborateurs de Pétain. Non ça ce n’est pas possible, ces messieurs ne sont pas comme ça, ils pensent juste à la grandeur de la France, ils pensent juste à notre bien à tous, à notre bel avenir dans une Europe forteresse qui aura perdu toute sa fierté et son humanité.
Oui je pense que je me suis trompé, la France sent mauvais désormais, une odeur de peste brune qui empoisonne mon esprit et qui me donne envie de m’expatrier.
De tous les tableaux que j’ai peint celui là est sans doute celui qui m’appartient le moins. Je l’ai réalisé très vite dans une sorte d’intermède créatif, il a littéralement surgit de mes mains sans aucune préméditation de l’esprit. Je pense qu’il possède une certaine force et surtout un équilibre qui sont apaisant.
Mais que représente t’il ? Quelle est cette perle qui est juste au centre ?
Le cercle est une figure qui s’impose souvent dans mes compositions. J’aime le cercle car mathématiquement cette figure très simple est parfaite. Simple, car avec deux données (son centre et son rayon) on peut la dessiner, parfaite car ce cercle devient sphère sans aucune donnée supplémentaire, de plus elle fait intervenir le nombre PI qui reste un nombre mystérieux et poétique. Comme notre univers (si l’on en croit les physiciens) la sphère est un monde fini sans bord.
Je ne dessine pas mes cercles à l’aide d’un compas mais juste avec ma main et mon œil, c’est important car si vous l’essayez, vous verrez que cela ne se fait pas d’un seul passage (enfin cela est vrai pour moi) mais par affinage successif. Cette affinage est un exercice apaisant et m’apporte un certain bonheur.
Alors disons que cette perle représente le bonheur, un bonheur vert lié à la nature. Que voit on autour de cette perle ? Des courbes, des cônes, des « cornes ». Une structure éclatée qui peut être était là pour protéger cette perle ou bien alors la cachait. Que sont ces « cornes » ? Les deux plus proches entourent cette perle et sont très sûrement là pour la protéger à moins qu’elles ne soient source d’énergie et créatrice. Les autres plus éloignés ont une fonction moins évidente. Représentent elles des figures tutélaires ou un lien avec le cosmos ?
Il se trouve aussi trois autres éléments important, les graines, elles sont vertes comme la perle et sont faciles à interpréter pour qui connaît ma biographie. Reste le dernier élément, la sphère blanche qui domine le tableau et qui brille sur cette perle, elle est bien sur l’amour qui doit rayonner pour que ce bonheur reste vert et que les graines puissent grandir.
Fin de l’auto analyse….
Tout le monde connait le nom de cette molécule clé de l’hérédité et de la vie. Les acides animés qui composent cette molécule sont présents dans l’espace au sein des nuages interstellaires, nuages qui eux même sont les restes d’explosions titanesques qui ont déchiquetées des soleils ayant carburés un peu trop longtemps ou un peu trop vite (les humains parfois font aussi la même chose). Des éléments simples du départ nous allons donc vers une complexité de plus en plus élevée a partir du creuset des étoiles pour obtenir des molécules telles que les acides animés.
Puis un jour au sein d’une soupe initiale avec ce super solvant qui est l’eau apparait la première cellule. Puis le premier être avec des cellules qui collaborent, puis un être enfin qui se duplique grâce à l’ADN.
Ces êtres vont se complexifier, se différencier, devenir complémentaires et former le fragile écosystème planétaire. De cet écosystème surgit la conscience (*) et de la conscience va naitre notre civilisation. De cette civilisation va naitre la connaissance et la technologie, de la technologie et de notre maitrise de l’atome vont enfin naitre la bombe atomique et la possibilité de nous supprimer ou de rendre cette planète complétement stérile.
Si l’on date notre essor technologique de l’invention de l’écriture, l’homme en moins de 10000 ans sur une histoire qui en compte quelques milliards a été assez inventif pour savoir comment s’auto détruire et détruire sa planète.
L’ADN est lui aussi responsable de la mort cellulaire, l’homme serait-il alors un élément de l’apoptose planétaire ? Une forme de mort programmée pour que notre écosystème se régénère et modifie sa forme vers un système plus performant ?
Vers quel forme pourrait évoluer l’humain ? Un mélange organique et silicium (homme et machine) ? Une super conscience planétaire née de la connexion de nos milliards d’individualités ?
Je suis fasciné par cette filiation atomique qui prolonge mon individualité à travers les âges, fasciné de penser que mon ADN est le résultat d’une évolution aussi longue. Fasciné par cet improbable hasard qui fait qu’aujourd’hui je puisse écrire ces mots, conceptualiser ce temps passé et envisager un avenir à ce système. Cet avenir m’appartient en quelque sorte, il nous appartient tous, il résultera de nos choix et se propagera encore dans des millénaires, chaque mots, chaque gestes, chaque pensées pourrait-elle alors faire la différence ? A moins qu’à chaque instant une infinité de futur ne s’ouvre devant nous et qu’au fond tout cela n’ait absolument aucune importance.
(*)Je ne prends pas comme hypothèse que la conscience était là et qu’en quelque sorte elle se soit incarnée car je ne pars pas de l’hypothèse de l’existance de dieu.
Je me suis demandé il y a longtemps quel pouvait être un rêve de salamandre, quelles couleurs ce petit animal pouvait il percevoir, quelles envies avait-il ? Je me suis demandé si sa perception du monde était meilleure que la mienne, plus efficace ou plus poétique.
J’ai donc dans mon atelier un tableau inachevé qui s’intitule le rêve de la salamandre. Ce tableau restera sans doute inachevé car la vision de la salamandre m’a échappée. Ma vie a fait un brusque écart à ce moment-là, le rêve c’est enfui, j’ai tourné une page.
Plus de dix ans ont passés et cette vision parfois me trouble, n’avez-vous jamais rêvé d’avoir à nouveau une perception totalement animal ? (Quand je dis à nouveau, je pense à nos lointains ancêtres) une vision sans analyse, brute, seulement commandée par la nécessité de survie. Une vision ou l’arbre n’est pas un concept arbre défini par le mot arbre mais un ensemble de couleur, de bruit, d’odeur.
J’ai lu dans une nouvelle que les cyprès étaient autrefois installés près des mas car ce sont de fabuleux conteurs. Qui peut encore se prévaloir de savoir écouter le murmure des arbres ? Quelles histoires pourraient-ils nous raconter si nous étions encore capables de les écouter ? Dans vos villes vous arrive-t-il d’écouter le murmure de l’incessante circulation et que vous raconte ce murmure ? Que vous dit-il sur l’état de notre monde ? que vous raconte-t-il sur l’état de nos rêves ?